Joëlle Léandre - Rodolphe Loubatière
C’est avec ces mots en tête de Joëlle Léandre extrait de son livre « A voix basse » que lors de notre dernière rencontre je lui ai proposé de partager : «…ce désordre, ce riche désordre, ce chaos même qui me donne du fil à retordre, des sons à malaxer, des cordes à tirailler. Il y a là un travail immense de liberté, donc de responsabilité. Vaste sujet !» Tout est dit, il ne nous reste plus qu’à partager notre musique.
With a monologue changing to dialogue, Estampe’s seven duets involve patterns that unite Léandre’s extended techniques with those of Loubatière. Using only a snare drum he slides, screeches and thick rubs patterns that create a contrapuntal role beside the bassist’s thick and harsh power sweeps. At points it appears as if string pressure jolts are as percussive – or even more so – than the impacts of sticks and other implements on the drum surface. Breaking up the percussion punches with a cymbal edges rubbed against drum tops, bell-like clangs and rim wood clattering, this shading emboldens Léandre to rattle her strings even more with the result even louder as sul ponticello sweeps meet bumping rhythms from Loubatière. Later ratcheting and sweeping string strategies are joined by the bassist’s whispers, eerie panting and nonsense syllable mumbles. Maintaining the musical dialogue Léandre’s pressurized string slaps and buzzing sul tasto challenge the drummer’s crackles, clips and pumps even as vocals descend to pants and barks. Stretching string buzzes alongside simple percussion ruffs the two finally reach a sweeping understanding. JazzWord / Ken Waxman
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Avec Romain Dugelay, Rodolphe Loubatière animait le duo RYR, c’était il y a plus de quinze ans. Depuis, le percussionniste s’est taillé une réputation de musicien improvisé intransigeant, très intéressé par la matière sonore et les installations contemporaines. En témoignent ses collaborations avec le designer sonore Pierce Warnecke ou avec Franck Vigroux. C’est en sculpteur de son, donc, qu’on le retrouve avec Joëlle Léandre dans un concert enregistré en 2022 à Genève. À l’image de « Estampe 3 », le propos est taciturne et méticuleux, l’amplitude des instruments est réduite à un périmètre qui cherche le détail avant l’éclat : Loubatière n’a qu’une caisse claire au sol et quelques sonnailles. Léandre travaille à l’archet. C’est l’infini de la précision qui est convoqué.
Estampe est une belle image : il y a de la matière, du bois, un tampon, des pigments. Dans « Estampe 5 », alors que la contrebassiste a donné de la voix dans le morceau précédent, elle bouscule l’amalgame obtenu par quelques fortes accentuations d’archet, une profondeur revenue pour imprimer le détail, pour ombrer les perspectives. À ses côtés , Loubatière tente le parallélisme des formes, ou du moins son impression, faisant chanter sa caisse claire comme on le ferait de cordes. L’archet s’apaise, trouve la quiétude des marées basses et des vagues à venir, le duo redevient ce cours d’apparence tranquille qui fuit pourtant l’harmonie. La gouailleuse « Estampe 6 » est là pour s’en assurer.
Avec Estampe, la musique improvisée trouve deux de ses plus brillants artisans. Cette rencontre, a priori une première, montre avant tout la capacité de Joëlle Léandre à s’inviter dans un univers sans rien lâcher du sien. À ses côtés, Rodolphe Loubatière s’impose comme un artiste du geste, un dessinateur du détail qui manie à merveille les creux et les bosses d’une expression pleinement dédiée à la matière sans jamais perdre de sa finesse et de sa minutie. Estampe est une musique propre à marquer les esprits.
CitizenJazz/Franpi Barriaux
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